Chapitre 5 : Algèbre Bilinéaire, Produit Scalaire

1 Produit Scalaire sur $ E$

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1 Produit Scalaire sur $ E$

1.1 Forme bilinéaire symétrique sur $ E$

Définition :   Soit \begin{displaymath}\Psi:\left\{ \begin{array}[c]{ccc} E\times E & \rightarrow ... ...right) & \mapsto & \Psi\left( u,v\right) \end{array} \right. \end{displaymath}
On dit que $ \Psi$ est bilinéaire symétrique sur \begin{displaymath}E\Leftrightarrow \left\{ \begin{array}[c]{l} \forall u\in ... ...\left( u,v\right) =\Psi\left( v,u\right) \end{array} \right. \end{displaymath}

Théorème :   Pour montrer qu'une forme est bilinéaire symétrique, il suffit de montrer qu'elle est linéaire par rapport à une variable, au choix, et qu'elle est symétrique.

Preuve. On sait \begin{displaymath}\left\{ \begin{array}[c]{l} \forall\lambda,\mu\in\mathbb{R}... ...\left( u,v\right) =\Psi\left( v,u\right) \end{array} \right. \end{displaymath}
D'où $ \Psi\left( u,\lambda.v_{1}+\mu.v_{2}\right) =\Psi\left( \lambda.v_{1}+\mu.v_{... ...u\right) =\lambda \Psi\left( u,v_{1}\right) +\mu  \Psi\left( u,v_{2}\right) $ en faisant jouer la symétrie et la linéarité par rapport à chaque variable.
On obtient bien la deuxième linéarité. $ \qedsymbol$

1.2 Forme quadratique associée à une forme bilinéaire symétrique

Définition :   Une forme quadratique sur $ \mathbb{R}^n$ est une application de $ \mathbb{R}^n\rightarrow\mathbb{R}$ qui se met sous la forme d'un polynôme homogène de degré 2 des coordonnées du vecteur de $ \mathbb{R}^n$.

Théorème :   Si $ \Psi$ est une forme bilinéaire symétrique sur $ E$, alors\begin{displaymath}q:\left\{ \begin{array}[c]{l} E\rightarrow\mathbb{R}\\ u\... ... q\left( u\right) =\Psi\left( u,u\right) \end{array} \right. \end{displaymath} est une forme quadratique, c'est la forme quadratique associée à $ \Psi$.

Remarque :   On a : $ q\left( \lambda.u\right) =\lambda^{2} q\left( u\right) $, ce qui prouve que $ q$ n'est pas linéaire !

Théorème :   Si $ q$ une forme quadratique sur $ E$, alors $ \Psi : E\times E \rightarrow \mathbb{R}$ définie par

$\displaystyle \Psi\left( u,v\right) =\dfrac{q\left( u+v\right) -q\left( u\right) -q\left( v\right) }{2} $

est une forme bilinéaire symétrique. On dit alors que $ \Psi$ est la forme polaire de $ q$.

Preuve. La symétrie est évidente, on admet la bilinéarité.

$\displaystyle \dfrac{q\left( u+v\right) -q\left( u\right) -q\left( v\right) }{2}$

$\displaystyle =\dfrac{\Psi\left( u+v,u+v\right) -\Psi\left( u,u\right) -\Psi\left( v,v\right) }{2}$

   

 

$\displaystyle =\dfrac{\left( \Psi\left( u,u\right) +\Psi\left( u,v\right) +\Ps... ...si\left( v,v\right) \right) -\Psi\left( u,u\right) -\Psi\left( v,v\right) }{2}$

   

 

$\displaystyle =\dfrac{\Psi\left( u,v\right) +\Psi\left( v,u\right) }{2}$

   

 

$\displaystyle =\Psi\left( u,v\right)$

   


$ \qedsymbol$

1.3 Forme quadratique définie positive

Définition :   $ q$ une forme quadratique, on dit que $ q$ est positive$ \Leftrightarrow\forall u\in E, \; q\left( u\right) \geqslant0$.

Définition :   $ q$ une forme quadratique positive, on dit que $ q$ est définie-positive $ \Leftrightarrow\forall u\in E,\left( q\left( u\right) =0\Leftrightarrow u=0\right) $.
On dit aussi que $ q$ est positive non-dégénérée.

Le même vocabulaire s'applique à la forme bilinéaire symétrique.

1.4 Produit Scalaire sur $ E$

Définition :   Un produit scalaire sur $ E$ est une forme bilinéaire symétrique définie positive sur$ E$
.$ \Psi\left( u,v\right) $ se note le plus souvent $ \left\langle u,v\right\rangle $.

Exemple :   Le produit scalaire usuel du plan ou de l'espace. La forme quadratique est alors le carré scalaire.

Remarque :   Pour montrer que $ \left\langle \cdot,\cdot\right\rangle $ est un produit scalaire, on montre successivement :

Définition :   Un espace vectoriel préhilbertien est un espace vectoriel muni d'un produit scalaire.

Remarque :   Un espace vectoriel préhilbertien est donc un espace vectoriel réel. Il peut être de dimension finie ou infinie.

Définition :   Un espace vectoriel euclidien est un espace vectoriel de dimension finie muni d'un produit scalaire.

Remarque :   Un espace vectoriel euclidien est donc un espace vectoriel réel.

1.5 Exemples classiques

1.5.1 Produit scalaire défini par une intégrale

On va montrer que sur $ \mathbb{R}\left[ X\right] ,$ $ \left\langle P,Q\right\rangle =\displaystyle\int_{0}^{1}P\left( t\right) Q\left( t\right) dt$ est un produit scalaire.
Il faut d'abord montrer que c'est une forme bilinéaire symétrique, c'est à dire qu'elle est linéaire par rapport à la première variable et symétrique.
On considère des polynômes quelconques $ P_{1},P_{2},Q$ et des scalaires quelconques $ \lambda,\mu.$

Il faut ensuite montrer que la forme quadratique est positive puis définie-positive.
On considère un polynôme quelconque $ P.$

Finalement, sur $ \mathbb{R}\left[ X\right] ,$ $ \left\langle P,Q\right\rangle =\displaystyle\int_{0}^{1}P\left( t\right) Q\left( t\right) dt$ est un produit scalaire.

1.5.2 Produit scalaire sur un espace de matrices

Montrons que $ \left\langle A,B\right\rangle = tr\left( ^{t}\!AB\right)$ définit un produit scalaire sur $ \mathcal{M}_n(\mathbb{R})$.
Il faut montrer la linéarité par rapport à la première (ou la deuxième) variable, la symétrie, puis il faut montrer que la forme quadratique associée est positive, puis définie-positive.

On a bien un produit scalaire. De plus : $ \left\Vert A\right\Vert ^{2}=\left\langle A,A\right\rangle ={\displaystyle\sum\limits_{i=1}^{n}} {\displaystyle\sum\limits_{j=1}^{n}}a_{ij}^{2}$.

1.6 Inégalité de Cauchy-Schwarz (ou de Schwarz)

Théorème :   $ \left\langle \cdot,\cdot\right\rangle $ un produit scalaire sur $ E$, alors,

$\displaystyle \forall u,v\in E,\left\vert \left\langle u,v\right\rangle \right\... ...t \sqrt{\left\langle u,u\right\rangle }\sqrt{\left\langle v,v\right\rangle } $

L'égalité n'est vérifiée que si $ u$ et $ v$ sont liés.

Preuve. On a $ \forall\lambda\in\mathbb{R}$,

$\displaystyle \left\langle u+\lambda.v,u+\lambda.v\right\rangle$

$\displaystyle \geqslant0$

   

$\displaystyle \left\langle v,v\right\rangle \lambda^{2}+2\left\langle u,v\right\rangle \lambda+\left\langle u,u\right\rangle$

$\displaystyle \geqslant0$

   


expression du second degré en $ \lambda$, qui ne change pas de signe, elle a donc un discriminant négatif, d'où :    $ \dfrac{\Delta}{4}=\left\langle u,v\right\rangle ^{2}-\left\langle v,v\right\rangle \left\langle u,u\right\rangle \leqslant0 $    
Ce qui assure le résultat.
Remarquons que l'égalité :    $ \left\vert \left\langle u,v\right\rangle \right\vert =\sqrt{\left\langle u,u\right\rangle }\sqrt{\left\langle v,v\right\rangle } $     ne se produit que si $ \Delta=0$, donc si    $ \left\langle v,v\right\rangle \lambda^{2}+2\left\langle u,v\right\rangle \lambda+\left\langle u,u\right\rangle =0 $     pour un certain $ \lambda$.
Cela revient à $ \left\langle u+\lambda .v,u+\lambda.v\right\rangle =0$ et enfin $ u+\lambda.v=0$, $ u$ et $ v$ sont liés. $ \qedsymbol$

Exemple :   On va appliquer l'inégalité de Schwarz avec le produit scalaire précédent et $ Q\left( t\right) =t,$ compte tenu que $ \displaystyle\int_{0} ^{1}t^{2}\,dt=\dfrac{1}{3},$ on obtient $ \left( \displaystyle\int_{0}^{1}tP\left( t\right) dt\right) ^{2}\leqslant\dfrac{1}{3}\displaystyle\int_{0}^{1}P^{2}\left( t\right) dt$ qui est un résultat valable pour tout polynôme $ P.$

On n'oubliera donc pas que l'inégalité de Schwarz permet de montrer de nombreuses inégalités « étonnantes ».


© Christophe Caignaert - Lycée Colbert - Tourcoing